Ce récit de voyage figure parmi les premiers écrits publiés
de Robert Louis Stevenson.
Nous sommes en 1878, au début de l’Automne. L’écrivain vient
tout juste d’être quitté par la femme qu’il aime, Fanny Osbourne, rentrée aux
Etats-Unis aves ses enfants afin de retrouver son mari, et avec qui il vient de
vivre pendant plus d’un an. Le cœur déchiré, et ayant besoin de matière pour
écrire et ainsi être publié (malgré son âge, 27 ans, l’auteur est encore
dépendant de son père financièrement), Robert L. Stevenson entreprend une
randonnée de 12 jours dans le Sud de la France, dormant à la belle étoile ou en
auberge.
Le périple, d’un peu moins de 200 km (correspondant
aujourd’hui au GR 70), s’étend de Monastier au Nord (département de la
Haute-Loire) à Saint-Jean-du-Gard (département du Gard) au Sud.
Le choix de la région des Cévennes n’est pas anodin, nous
sommes en plein territoire camisard, haut lieu de révolte protestante sous
Louis XIV au début du 18ème siècle (ce dernier ayant révoqué l’Edit
de Nantes qui tolérait une certaine liberté de culte aux protestants en
France).
Stevenson, lui-même protestant de naissance porte beaucoup
d’attention à cette histoire tout au long du récit, les courageux camisards lui
rappelant par certains aspects les covenantaires d’Ecosse ayant eux aussi été
persécutés, et dont les récits ont bercé son enfance, sous la houlette de sa
gouvernante, très pieuse, avec laquelle il passa beaucoup de temps en raison de
sa santé fragile.
Voici donc l’auteur parti sur ce chemin, en compagnie d’un
baudet, précisément une ânesse : Modestine ! Sans aucune expérience
de muletier (certains passages au début de la mise en route avec le baudet sont
hilarants), Robert L. Stevenson va bourlinguer en sa compagnie jour et nuit.
Avec un but en tête ; marcher, toujours marcher,
« Quant à moi, je voyage non pour aller quelque part, mais pour voyager. […]
quitter le lit douillet de la civilisation ».
Au fil de son avancée, l’écrivain
entre en immersion dans ce pays, dans lequel il est comme entouré, parfois de
folklore (le mythe de la bête du Gévaudan est encore vivace), parfois de lieux
historiquement riches de par la guerre des Cévennes, ou encore de paysages
naturels pittoresques dont la région regorge.
Les villages et les locaux
rencontrés constituent pour Robert L. Stevenson l’occasion d’échanger sur les
événements passés (la guerre), dont il se passionne, qu’ils soient catholiques
ou protestants. C’est avec ces derniers que l’écrivain se sent le plus à l’aise
« J’avoue avoir rencontré ces Protestants avec plaisir et avec
l’impression d’être comme en famille »
Du prêtre au tenancier d’auberge,
en passant par le simple promeneur, l’écrivain n’hésite pas à les solliciter,
quitte à passer pour un colporteur, par moments en cas de besoin d’aide, à
d’autres pour parler la guerre passée.
Les descriptions sont finement
dosées et stimulent avec brio notre imagination, comme
« Ces bouquets
d’antiques châtaigniers indomptables pareils à des éléphants attroupés ».
Les nuits passées à la belle étoile comptent parmi les moments de lecture les
plus intenses, tant l’auteur prend plaisir à dormir dehors, en cette
« Vaste
chambre […] au vernis d’un noir bleuté entre les étoiles ».
Hélas, cette jouissance trouvée
dans l’isolement le plus total ne peut que souligner le manque que ressent l’auteur :
« Et pourtant, alors même que je m’exaltais dans ma solitude, je pris
conscience d’un manque singulier. Je souhaitais une compagne qui s’allongerait
près de moi au clair des étoiles, silencieuse et immobile, mais dont la main ne
cesserait de toucher la mienne ».
Ce voyage n’apaise finalement pas le
jeune écrivain, qui ira au bout de cette route en compagnie de Modestine avec
laquelle cette aventure a débuté et à qui seront dédiés les derniers mots de l’auteur
du récit.
J’ai pris un grand plaisir à lire
ce récit, il me tarde maintenant de découvrir ce GR 70, peut-être l’été
prochain si mes études me le permettent, en attendant j’espère que cet article (le
tout premier que j’écris) vous donnera envie de le lire !